Interview du Prof. Mahesh Misra sur l’innovation inversée en santé et l’Inde #FAMxParis

Prof. Mahesh Misra

« Avec ces innovations sanitaires peu coûteuses ou frugales, nous pouvons faire aussi bien, voire mieux que ce qui se fait actuellement en Europe. Si les technologies que nous développons en partenariat sont bonnes pour des êtres humains en Inde, elles sont également bonnes pour les pays développés. » Pr Misra
J’ai eu le grand plaisir d’interviewer le Professeur Mahesh Misra, conférencier à FAMx Paris  grâce à la coopération entre la Fondation de l’Académie de Médecine et Doctors 2.0 & You.  L’Unesco accueillera, les 31 mai et 1er juin 2018, FAMx Paris, organisé par la Fondation de l’Académie de Médecine. Ce forum international réunira 400 participants de tous les continents. Le programme est centré sur les « innovations inversées » en santé, innovations venues d’économies émergentes dont les institutions sanitaires ont établi un partenariat avec la Fondation. L’inscription est gratuite. J’espère que vous profiterez de cette occasion.
Le professeur Misra est actuellement président de l’Université Mahatma Gandhi de sciences et de technologie médicales, à Jaipur, Rajasthan, où il est également Directeur des disciplines chirurgicales et Professeur de chirurgie générale et mini-invasive. Le professeur Misra est conseiller du ministère de la Santé sur le futur All India Institute of Medical Sciences*, à Nagpur. Il était était auparavant directeur du All India Institute of Medical Sciences à New Delhi. Il a obtenu son diplôme de médecine à l’Université de Kanpur, et sa maîtrise en chirurgie à l’Université d’Allahabad.
* Le All India Institutes of Medical Sciences (AIIMS) est un groupement de facultés de médecine publiques en Inde.
DS. Professor Misra, quel sera votre message principal aux participants de FAMx Paris ?
MM. Alors que la santé mondiale devient un village planétaire, il est de notre responsabilité d’innover à la fois en matière de diagnostic et de thérapeutique, et ainsi de venir en aide à de vastes populations du monde, en particulier en Asie. Lorsque nous parlons de santé universelle au XXIe siècle, nous nous référons à la fourniture de soins pour tous. Nous devons donc rationaliser le coût de la santé, ce qui nécessite des partenariats. 
Nous avons également à élaborer une stratégie de prévention de diverses maladies évitables et à mettre l’accent sur les « innovations à

Pr. Misra avec la ministre de la Santé en Inde et le PM de l’Australie

faible coût » qui peuvent être appliquées à de grandes populations dans des zones géographiques mal desservies du monde. Celles-ci comprennent l’Inde, l’Asie du Sud-Est, le Bangladesh, le Sri Lanka, le Pakistan, l’Afghanistan et d’autres pays asiatiques.

Avec ces innovations sanitaires peu coûteuses ou frugales, nous pouvons faire aussi bien, voire mieux que ce qui se fait actuellement en Europe. Et si les technologies que nous développons en partenariat sont bonnes pour des êtres humains en Inde, elles sont également bonnes pour les pays développés. Le coût de la santé est un problème pour des pays comme l’Inde, mais aussi pour l’Europe occidentale et les États-Unis. Comment pouvons-nous avoir des soins accessibles et abordables pour tout le monde ?
DS. En Europe et aux États-Unis, on parle de plus en plus d’une médecine personnalisée. Que pensez-vous de ce concept ?
MM. Eh bien, peut-on à la fois rationaliser et personnaliser ? Ce sont deux questions divergentes ; la personnalisation implique des coûts. Je pense que nous avons besoin de soins de santé raisonnables, acceptables et abordables pour la majorité de la population. En Inde, nous allons personnaliser pour un segment de population plus petit qu’en Europe. Qui paye ? Le contribuable, l’individu, la compagnie d’assurance? Quelqu’un doit supporter le coût.
DS. Vous êtes un ardent défenseur de la santé publique. Pouvez-vous développer ?
MM. Nous étudions les projections de l’OMS pour les maladies qui seront responsables des coûts de santé majeurs dans les décennies à venir. Ce sont : les affections cardiovasculaires, la santé mentale, les blessures et les traumatismes, en termes de perte d’années de vie en fonction de l’incapacité – Les blessures sont une maladie de la population jeune. Les blessures chez les hommes  de 15 à 24 ans sont plus fréquentes que le cancer et les maladies cardiaques. Dans les pays en développement, le nombre de patients qui meurent en raison d’une blessure est plus élevé que pour le cancer et les maladies cardiaques. Nous avons besoin de stratégies de prévention pour réduire la mortalité des blessures et le nombre de blessures lui-même.
 Nous avons un paradoxe en Inde. La tuberculose et le paludisme continuent de peser lourdement sur nos vies ; nous voyons beaucoup de maladies bactériennes et virales ; des infections nouvelles, telles que la dengue, sont apparues. De plus, nous avons une épidémie de maladies non transmissibles, telles que l’hypertension artérielle, les maladies respiratoires (liées à la pollution), le diabète. Le problème de l’obésité morbide est en augmentation significative mais nous n’avons pas encore gagné contre la malnutrition. Nous ne pouvons pas ignorer ces problèmes majeurs de santé publique. Nous avons donc besoin d’innovations frugales de façon à pouvoir relever simultanément tous ces défis.
DS. Comment vous êtes-vous intéressé aux « blessures » ?
MM. En 1988, j’ai bénéficié d’une bourse médicale du Commonwealth à l’Université de Manchester, au Royaume-Uni. J’ai choisi d’étudier les services de traumatologie alors que personne ne parlait du traumatisme comme d’un problème. Beaucoup de collègues riaient de mon choix. Ils ne se rendaient pas compte que c’était un problème sérieux. Soixante mille jeunes vies avaient été perdues sur les routes en Inde. La seule différence est que ce nombre a augmenté de façon exponentielle. Regardez la mortalité routière seule. Il y en a plus de 150 000 par an (augmentation de 5 à 8 % chaque année). En ce qui concerne les décès accidentels, il y en a plus de 400 000 en Inde. L’incidence des blessures est d’environ 30/100 000, soit le double de celle du cancer du sein (incidence variant de 14 à 29/100 000 dans différents registres du cancer).
DS. Vous avez également une expérience intéressante à partager concernant les étudiants.
MM. Oui, j’aimerais partager l’expérience de l’i-fraternité en technologie de l’information. Nous avons en tant que Fellows de jeunes ingénieurs qui s’intéressent à la médecine. Ils viennent et se plongent dans l’environnement hospitalier et font de l’ombre à certains médecins et chirurgiens par leur vision des problèmes et des solutions potentielles. Nous faisons cela à l’International Institute of International Biodesign, (Erstwhile Stanford Inde Biodesign). Il y a environ dix ans que nous avons commencé cette bourse internationale de deux ans à temps plein.
 Denise Silber