Pharmacovigilance : point sur la déclaration des effets indésirables avec EveDrug

Claude Touche

La déclaration des effets indésirables contribuent indéniablement à l’amélioration de la qualité des soins. Or elle ne peut bien se faire qu’avec la contribution et des patients et des professionnels de santé. Où en sommes-nous en France de la pharmacovigilance, sujet qui ne laisse pas indifférent ? Les Français, sont-ils suffisamment informés des démarches utiles  et de l’intérêt de la déclaration. Nous donnons la parole à Claude Touche, dirigeant d’ EveDrug, start-up spécialiste.  Doctors 2.0 & You a, par deux fois, inclus EveDrug dans les start-up sélectionnées pour des espaces de démo à des congrès médicaux prestigieux.  Denise Silber

*** Témoignage de Claude Touche ***

 » Il y a un an le Ministère des Solidarités et de la Santé lançait la plate-forme de signalement sante.gouv.fr à destination de toute personne souhaitant déclarer un effet indésirable lié aux médicaments, aux dispositifs médicaux, aux cosmétiques, aux compléments alimentaires, aux actes de soins, aux tatouages … bref, à tout effet indésirable lié à tout, ou presque (en dehors de l’alcool et du tabac). Le premier bilan annoncé en octobre est très encourageant : accueil très positif, bonne appropriation de l’outil, usagers satisfaits.satisfaits et les constatations effectuées grâce à ce portail se rapprochent de celles effectuées concernant l’application de pharmacovigilance, My eReport*.

Claude Touche

Claude Touche, Eve Drug

Le portail Sante-Gouv a enregistré 45000 signalements au total, dont 90% liés à la pharmacovigilance. Parmi eux 85% sont le fait de non-professionnels. De la même manière, My eReport a enregistré 523 signalements de pharmacovigilance (certes, on ne joue pas dans la même cour !) dont 90% proviennent de non-professionnels. De là à penser que les professionnels sont encore trop peu portés sur l’outil numérique, il n’y a qu’un pas.

De même la Direction Générale de la Santé précise que le portail est essentiellement utilisé par les professionnels de santé pour signaler des cas de pharmacovigilance (40%), loin devant des évènements indésirables graves liés à des soins ou à des dispositifs médicaux. De la même manière, le nombre de déclarations effectuées avec l’application My eReport par des professionnels augmente un peu plus chaque année : ainsi 10% sont actuellement le fait de professionnels de santé (essentiellement des pharmaciens). La Direction Générale de la Santé précise quant à elle, concernant le portail, que « les professionnels de santé sont contraints par le temps et souhaitent que la démarche de signalement soit simplifiée au maximum ».

Si on retrouve des points communs entre le portail et My eReport, c’est peut-être parce que notre perception des risques liés aux médicaments dépend aussi de notre place dans la société et de notre point de vue sur le médicament : Les patients souhaitent être entendus et le font savoir (ils déclarent de plus en plus, et veulent des retours) ; les médecins connaissent déjà les effets indésirables et ont peu de temps à consacrer à la déclaration ; les pharmaciens quant à eux recherchent de nouveaux moyens de fidélisation de leur clientèle (donc de nouveaux services à proposer), et sont de plus en plus sensibles au fait de déclarer. Schématique certes, mais ô combien vrai.

Au-delà des chiffres, My eReport tente « de vous en donner pour votre argent ». C’est  une question d’éthique car si déclarer un effet indésirable est un acte citoyen, ne rien offrir en échange des données déclarées risque d’être de plus en plus mal perçu (surtout dans un monde ou les données de santé constituent le nerf de la guerre). Cet échange d’informations (plus connu sous le nom générique d’ « Open Data ») permet à terme une sensibilisation réelle à la pharmacovigilance. Un échange constant permettant d’éviter de voir retomber l’intérêt en dents de scies pour une activité connue surtout pour ses scandales médiatiques et sanitaires (Médiator, Dépakine, Lévothyrox …).

EveDrug lauréate du Challenge Doctors 2.0 a participé au village des start-ups à Genève

Ainsi My eReport vous permet de savoir si le ou les effets indésirables déclarés sont déjà connus (ou pas) de la part des autorités de santé. L’application vous restitue également, d’une manière très pédagogique, le nombre de personnes ayant utilisé l’application et ayant déclaré les mêmes effets indésirables avec les mêmes médicaments : un moyen de vous dire que vous n’êtes pas seul, et que votre déclaration est véritablement utile et permet à l’ensemble de la communauté de mieux maitriser les risques liés aux médicaments.

De son côté, le portail n’offre pas ce retour. En revanche, la DGS l’a bien compris et note que « les usagers souhaitent une plus grande transparence en matière de retour d’information sur le plan individuel et (de) pouvoir recevoir des informations validées et fiable sur une thématique ».

L’autre intérêt d’une application est son maniement et bien évidemment sa rapidité à saisir et à transmettre une déclaration. Le but est de rendre l’acte de déclarer le moins contraignant possible … Là encore la DGS souligne que « les professionnels de santé sont satisfaits du portail qui apparait plus simple que les formulaires papier et semble faciliter la déclaration ».

A l’heure où les français font confiance aux médicaments, mais doutent encore de ses fabricants, une pharmacovigilance basée sur l’échange, la rapidité et la transparence permettrait de revaloriser le rôle des autorités comme celui des laboratoires pharmaceutiques. Seulement 49% des français affirment leur confiance dans ces entreprises. Ils donnent une mauvaise note à l’éthique et à la transparence du secteur (34% et 16%), ainsi qu’à l’attention portée aux patients à travers la prise en compte des risques d’effets secondaires des traitements (37%) ** … Tout est dit !

My eReport en chiffres :

– Nombre total de personnes ayant déclaré avec My Report (à travers l’Europe) : 523

– Nombre total de « vraies déclarations » : 477 (46 déclarations sont inexploitables : aucun effet de signalé)

– Nombre total de déclarations hors France : 31 (parmi lesquelles 10 déclarations en Espagne / 9 déclarations en Roumanie / 6 déclarations en Angleterre / 5 déclarations en Allemagne /1 déclarations au Portugal)

– Nombre total de déclarations en France : 445
– Nombre total d’effets indésirables en France : 452 (une déclaration pouvant contenir plusieurs effets indésirables)
– Nombre d’effets positif en France : 1

* My eReport est la première application de pharmacovigilance ayant avoir vu le jour en 2013. Gratuite et réglementaire, elle est disponible sur tous les stores. Les déclarations effectuées sont toutes transmises vers les CRPV (Centres Régionaux de PharmacoVigilance), de la même manière que celles effectuées via le portail.
En dehors de France, d’autres applications du même type sont disponibles telles que AgReporter (Aris Global), PV Intake (Foresight), Medwatcher (Epidemico), ou Reportum (MyMed&Me). La plus connue est Yellow Card Scheme (de l’Agence britannique de réglementation des médicaments et des produits de santé  MHRA). Cette application s’inscrit dans un grand  projet européen public et privé nommé « Web-RADR project » entre les agences nationales de santé, la Commission Européenne et le syndicat de l’industrie pharmaceutique européen (EFPIA). Déjà traduite en français, elle devrait arriver en France rapidement.  »

** Les Echos – 14 Novembre 2018 ; Le Quotidien du Médecin – 13 Novembre 2018